Piétinés, larmes et silences


"C'est avec  une maturité étonnante qu'Amandine Fairon (dix-huit ans quand elle publie ce roman) nous plonge dans une histoire au thème déconcertant : l'inceste. Au fil des pages, on devient ivre de cette fragilité, de ce courage, de cet espoir qu'elle transmet. L'auteure, par ce roman, nous donne la force de trouver notre chemin et notre paix intérieure."


Depuis quelques minutes, il s’est permis de me tutoyer et vient le moment où il me demande de lui parler de ma vie.
-         Il semble que ce soit tout sauf une bonne idée, dis-je après réflexion.
-         De quoi ? Te connaître ?
-         Évidemment. Je ne sais pas profiter des choses positives qui m’arrivent : j’ai l’art de tout détruire.
Je marque une pause avant de continuer. Ce doit être le vin qui me donne un tel aplomb.
-         Certains savent se construire de belles vies, rêver de grands horizons et de buts incroyables qu’ils veulent atteindre. Ils posent chaque jour une pierre pour bâtir leur édifice et approcher ce bonheur qui leur apporterait tant. Moi, dès que je vois mon mur grandir un peu, qu’il s’approche trop de cette satisfaction trop heureuse, je le détruis. Je fuis ce mérite que beaucoup obtiennent après leurs efforts. Je comprends mieux les gens qui m’évitent que ceux qui croient vouloir me connaître, car il n’y a rien à construire avec moi.
-         Je ne comprends pas, gémit-il.
Je soupire.
-         Je ne suis pas une princesse attendant son Monsieur Charmant. Je suis incapable de rester des années endormie. Je n’ai pas de bonnes fées pour veiller sur moi. Je suis tout simplement incapable de m’attacher à qui que ce soit, d’éprouver quelque chose pour quiconque, y compris toi, Henri. La vilaine sorcière m’a fait mordre dans la pomme maléfique de l’indifférence il y a bien longtemps. Tu dois sûrement mériter mieux qu’une domestique qui perd ses chaussures de bal…
Je prends ma veste et mon sac posés sur le dos de ma chaise. Je me lève. Je marche en direction de la sortie quand mon bras est retenu.
-         Les contes de fées n’ont jamais existé…

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